* Ana Cunha Cribellier / Deerns
L'immeuble intelligent ne se résume pas à des capteurs et des systèmes applicatifs. Il pose de nouvelles questions, comme celles d'une définition juste des besoins occupants et attentes des propriétaires, de la capacité du bâtiment à s'adapter aux usages futurs, ou encore de l'intérêt d'analyser les données collectées pour optimiser en permanence le smart building. L'objet connecté ou IoT est l'élément-clé du smart building. Et connaît lui aussi une évolution fulgurante. Pour définir un cadre de référence sur ces nouvelles questions, trois acteurs de « l'intelligence économie », Deerns, Netatmo et Sba nous confient leur vision.
Les trois grands domaines liés au bâtiment intelligent
Les capteurs
Ils permettent de sentir et d'analyser ce qui ce qui se passe dans les espaces (température, hygrométrie, COV, taux de CO2, géolocalisation des personnes et des actifs…)
Les applications
Il est primordial d'opter pour des systèmes ouverts, qui vont pouvoir évoluer et tirer profit d'une véritable interopérabilité. Par exemple : au siège de Microsoft Amsterdam, l'infrastructure interopérable bGrid du bâtiment a permis de greffer en quelques heures la technologie de commande vocale « Cortana » sur le système applicatif des bureaux1 pour ainsi piloter le bâtiment à la voix, sans engager de travaux supplémentaires.
Le stockage des données
Les informations recueillies sont stockées dans un cloud pour être analysées.
L'immeuble est comme un smartphone ayant la capacité d'intégrer des applications (services) dès aujourd'hui, mais aussi de nouvelles applications demain, encore inconnues, et sans avoir à changer de téléphone. L'enjeu est de pouvoir mettre à jour le système opératif du bâtiment sans changer son infrastructure technique !
A. Cunha Cribellier
Ana Cunha Cribellier
DIRECTRICE INTERNATIONALE DU PÔLE IMMOBILIER
Que représente pour vous l'intelligence artificielle appliquée aux immeubles de bureaux ?
Ana Cunha Cribellier / L'IA n'est pas une condition sine qua non d'un bâtiment intelligent. Nous avons des exemples d'immeubles anciens ayant une intelligence (structurelle par exemple), et certains de nos clients nous demandent des solutions pour améliorer l'exploitation ou le niveau de service, sans nécessairement avoir recours à l'IA. Il est possible, dans certains cas, d'être « low tech, high performance ».Toutefois, l'IA présente des atouts indéniables en termes de pilotage des bâtiments, de maintenance prédictive, de détection des risques, de mesures, de reporting. Elle est capable de proposer des réglages optimaux sur des critères donnés. On ne vend plus uniquement des m2, mais l'intelligence et les services liés à ces m2.
Comment imaginez-vous le futur dans l'immobilier tertiaire ?
A C C / Nous entrons dans une nouvelle ère : celle de l'analyse et de l'exploitation des données. Cela doit se faire de façon intelligente et sécurisée. Selon une étude du FMI, 96 % des données disponibles ne sont pas utilisées : il y a donc un fort potentiel !
Ces données permettent pourtant de comprendre ce qui se passe au sein de l'immeuble, d'optimiser les réglages, d'anticiper… C'est une nouvelle activité à part entière et certains acteurs du marché, comme des promoteurs, transforment leur métier premier pour y intégrer cette nouvelle dimension «?services?» amenant à l'intensification des usages.
La transformation du secteur immobilier est inévitable. Les récents labels et certifications (Wired Score, R2S…) prouvent que les attentes sont non seulement bien réelles, mais qu'elles évoluent. L'ingénierie évolue aussi et Deerns le constate en pratique.
Avec 1,3 million de produits actifs, Netatmo est l'un des leaders des solutions visant à rendre les espaces intelligents, toutes à base d'IoT. Quelles questions soulèvent ces objets connectés dans notre quotidien, privé et professionnel ?
Fred Potter / Les objets intelligents ne servent pas qu'à collecter des données. L'intelligence qui leur est liée est fondée sur la reconnaissance du contexte : comment ces appareils apprennent de l'environnement dans lesquels ils sont placés ? L'évolution majeure des objets intelligents est – et sera – corrélée à leur capacité à comprendre ce contexte : qui est là, que font les gens ? Comment optimiser les critères de confort et d'efficacité énergétique d'une pièce selon qu'elle est vide ou qu'elle contient 20 personnes ? Faut-il prévenir ou non qu'une personne a pénétré dans un lieu ? On demande2 aux appareils de s'intégrer à un environnement, d'en comprendre les usagers et d'analyser ces usages pour offrir plus de confort, d'efficacité et de sécurité. L'immeuble intelligent est capable d'interconnecter tous ses services dans un esprit d'harmonisation pour l'usager.
L'évolution des IoT et de leurs applications est fulgurante. Va-t-on toujours dans la bonne direction ?
FP / En évoquant l'évolution de cette intelligence artificielle se pose la question de son intrusion et de l'automatisation à outrance. Si certains rêvent d'objets connectés capables de décider à leur place de façon pertinente, les technologies actuelles ne permettent pas encore ce type de réelle intelligence. L'enjeu est de continuer à créer des objets utiles et simples à utiliser.
Comment abordez-vous la question de la sécurité des données et de la vie privée ?
FP / Aujourd'hui, le marché propose des appareils intelligents ; demain, il s'agira de montrer la capacité et la constance à garantir la sécurité des données, le respect de la vie privée des utilisateurs et à se montrer transparent quant aux données collectées. Cela est particulièrement important en Europe. Sur le marché des appareils connectés, les acteurs ont des approches très différentes vis-à-vis de ces questions. Netatmo place la question de la sécurité des données au cœur de sa stratégie.
Netatmo est aujourd'hui spécialisé dans l'habitat. Le tertiaire est-il l'un de vos axes de développement ?
FP / Oui, Netatmo a vocation à intervenir dans le bâtiment tertiaire. Cela pourra prendre la forme de solutions spécifiquement développées pour l'univers de bureau et de solutions issues de l'univers résidentiel, adaptées aux contraintes du bureau. Les champs à explorer sont vastes, puisque nous avons défini à ce jour 16 familles de produits à développer et que nous en couvrons actuellement une dizaine.
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Demain, il s'agira de montrer la capacité et la constance à garantir la sécurité des données, le respect de la vie privée des utilisateurs et à se montrer transparent quant aux données collectées.
F.Potter
Fred Potter
Fondateur et Président
R2S, le label de référence du bâtiment intelligent
Emmanuel François est président de Smart Building Alliance (SBA), l'association qui a mis au point le label R2S (Ready 2 Services), lancé en juin 2018. La volonté de l'association est de permettre aux différents acteurs du bâtiment (building automation, énergie/infrastructure et IT) d'échanger sur les enjeux majeurs que sont le numérique, mais aussi l'environnement et le développement durable : associer transition énergétique et numérique. Le label regroupe 6 aspects :
- La connexion performante (fibre)
- Une architecture de réseau IP (Internet Protocol)
- Une définition précise des équipements & interfaces
- La sécurité numérique
- Un « Management responsable?»
- Le développement de services
À ce jour, une douzaine de grands projets ont déjà adopté le label R2S.
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